« De tous les éléments composant un roman, le personnage est vraisemblablement, et de loin, le plus important » écrit David Lodge dans L’Art de la fiction.
« Les personnages font l’histoire » affirme de son côté Elizabeth George dans Mes secrets d’écrivain. Mais qu’est-ce que le lecteur attend d’un personnage ? Qu’est-ce qui le rend mémorable et comment faire pour créer à notre tour des personnages dont chacun se souviendra longtemps ? Même quand ils sont porteurs d’une histoire proche de la nôtre, même quand ils ressemblent à de « vraies gens », les personnages de fiction sont différents de nous car ils font l’expérience d’un temps autre : le temps de la fiction. Et c’est ce qui en fait la magie. Par eux, nous accédons à une autre dimension, nous pouvons passer d’un jour à l’autre par la grâce d’un point-virgule ou franchir des années-lumière en changeant de chapitre, revivre des moments à jamais envolés, bondir en avant de plusieurs siècles… ou vivre simultanément plusieurs vies. Mais toute magie a ses codes et, au moment de créer un personnage, l’auteur cherchera la meilleure manière de provoquer l’empathie du lecteur. Pour que même le personnage le plus abject retienne son attention jusqu’à la fin de l’histoire…
Six façons de créer un personnage
Pour présenter leurs personnages, les romanciers classiques usaient d’une description physique accompagnée d’une biographie succincte. Les modernes quant à eux préfèrent les présenter à travers leurs paroles et leurs actions. Aux Etats-Unis, certaines écoles de creative writing conseillent carrément aux apprentis auteurs… de fouiller les poubelles de leurs personnages ! Leur contenu serait révélateur de leur personnalité. Ou d’utiliser le questionnaire de Proust et d’imaginer ce que leurs personnages répondraient. Les auteurs américains ne craignent pas de puiser dans les archétypes (entre autres, parmi les figures de la tragédie antique… oui, les mêmes qui vous ont tant barbé pendant vos années de lycée). Et pourquoi ne pas jouer avec les stéréotypes, en les détournant pour y introduire un élément inattendu et décalé ? Les auteurs de polar en particulier ont su créer quelques beaux personnages de flics poètes ou « pelleteurs de nuages » (ainsi Fred Vargas désigne-t-elle son héros, le commissaire Adamsberg)… quand ils ne sont pas atteints d’Alzheimer ou porteurs de quelque lourd passé (Wallander, le héros de H. Mankell, perd des pans de mémoire dans sa dernière enquête ; de son côté, le détective privé Selb, héros de B. Schlink et W. Popp, est un ancien juge nazi). Les scénaristes, quant à eux, ne sauraient travailler sans la « bible » qui présente chaque personnage en détail, sa manière de s’exprimer, de marcher, de s’habiller, ses manies et ses phobies, son passé et ses relations avec les autres personnages…
Faites-le parler
Les mots que nous employons révèlent notre caractère comme notre milieu. C’est pareil pour vos personnages, mais attention : ils ne doivent pas parler comme vous, ni comme les autres personnages. La personnalité de chacun doit transparaître à travers ses réflexions autant qu’à travers ses gestes, dans le langage qu’il emploie mais aussi dans le ton, la façon de relier les phrases entre elles, les idiosyncrasies, les mots d’argot, etc. Soignez vos dialogues : c’est un outil précieux pour caractériser vos personnages et un bon moyen de dynamiser un récit.
*L’Art de la fiction est publié aux Editions Rivages, Mes secrets d’écrivain aux Presses de la Cité
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